Morte pour la France 1943
Une muzillacaise tuée lors des bombardements de Nantes 1943
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Août 1944 :
Marzan a tant souffert…
Arrivée et repli arrière des américains
Du 5 au 20 août 1944 c’est une terrible quinzaine qui s’est inscrite dans notre existence en caractères ineffaçables. Le samedi 5 août, c’étaient des bombardements aériens sur les routes et dans le bourg, au cours de la nuit, la fusillade et la mitraille. Puis les mauvaises nouvelles sont arrivées coup sur coup.
D’abord ce fut l’horrible massacre, à Kergalin, de quatre pauvres jeunes gens qui, le dimanche 6 août revenaient paisiblement de la messe. Ils avaient à peine quitté la route nationale, Nantes-Vannes, que survint un camion allemand chargé de troupes. Il s’arrête, les hommes descendent, se précipitent sur les malheureux, les maltraitent et les abattent à bout portant. Le camion s’en va à Muzillac et revient vers la Roche-Bernard.
Les premières colonnes américaines suivaient de près. Elles poussèrent jusqu’aux abords du pont ou une bataille s’engagea. Les Allemands qui avaient reflué en complet désarroi tous les jours précédents, tant leurs colonnes avaient été harcelées, disloquées, détruites par l’aviation, n’occupaient qu’en forces réduites la rive droite de la Vilaine. Ils ne mirent en batterie qu’un canon et une ou deux mitrailleuses. Mais ils faisaient front. Les colonnes volantes américaines s’y méprirent. Elles stoppèrent devant ce simulacre de résistance et le soir venu, elles effectuaient un repli en arrière du bourg de Marzan.
Le bourg et les villages environnants étaient ainsi laissés à découvert, exposés aux représailles ennemies. Ils n’ont qu’un mot sur les lèvres ; terroristes !
Harcèlement des habitants
Les Marzannais vivent des heures cruelles et des jeunes filles sont menacées même dans leur vertu. Le génie allemand, dans sa réalité brutale, s’est révélé par l’art méthodique avec lequel l’ennemi pilla les maisons abandonnées, incendia les récoltes, enleva le bétail. Effet de la rage qui accompagnait sa défaite : l’emprise du monde dont il avait rêvé lui échappait. Dés le 6 août au soir, après le repli américain, un groupe important d’Allemands s’est avancé jusqu’au « Champs des oiseaux » à quelques distances du pont. La vivent deux vieilles femmes et un jeune homme infirme, Jean COLLIGUET. Ils mettent leurs armes contre la poitrine, font sortir le jeune homme et se placent devant lui comme pour le fusiller. Le 7 au matin les femmes se sauvent, laissant l’infirme qui refuse de les suivre. Les Allemands revenant l’ont abattu. Un peu plus loin, au village de Keristin, Joseph GUIHENEUF, 35 ans, traverse un champ, un soldat l’ajuste et l’abat. Son père dans le même champ venait d’être tué par un obus. A Kerhoc, la ferme est en flammes. Le fermier, Jules KERROUAULT veut sortir, il est frappé d’une balle à la tête. Devant la ferme de la Bria, un autocanon américain avait pris position ; le fermier, Marcel GAUDIN, est là avec sa femme et ses cinq enfants. Ils regardent. L’autre fait demi-tour et tout aussitôt une nuée d’Allemands s’arrachant de partout se précipitent sur eux, se saisissent du fermier, s’apprêtent à le fusiller alors qu’il leur demande grâce à cause de ses enfants. Un officier s’interpose, il est épargné. Mais les soldats mettent le feu à sa meule de grains et le lendemain son bétail (4 bœufs et 5 vaches) sera enlevé.
Du côté de la Bria, un autre homme Emile GUIHARD, est menacé de mort, sa femme se précipite, l’enlace « Tuez nous, tous les deux » dit-elle. Elle sauve ainsi son mari à qui il n’est pas fait d’autre mal. Dans le même quartier une jeune fille de 15 ans, poursuivie par une brute ne dût son salut qu’en se sauvant et en se cachant dans un champ de topinambours. Au lieu de la Bria, particulièrement tragique n’en fut pas pour autant exempt de meurtres. Là, furent abattus dans cette sinistre matinée du 7 août, Alexis SAILLES, 27 ans et Lambert BERNSMAN, sujet Belge, rencontrés par hasard, massacrés dans le mystère et abandonnés au bord de la route.
Les voici maintenant, ces fauves déchainés, au village de Kerlharno qui compte 7 feux. Tous les gens, vieux et jeunes, sont poussés hors de chez eux. Tous sont mis à genoux, à leur porte, les bras en croix. Ils resteront une heure dans cette position, fusils braqués sur eux. Le lendemain, ils s’attendent à pire encore. Mais, comme ils avaient donné des soins à un blessé Allemand que ses camarades avaient laissé là, on leur fit grâce.
D’instinct, beaucoup le comprirent et se sauvèrent dans les champs ou ils passèrent la nuit du dimanche. Le 7 au matin, le combat reprenait dans le voisinage immédiat du bourg. Retournés aux premières lueurs du jour dans leurs maisons, les habitants durent les quitter de nouveau précipitamment. Presque tous prirent la fuite afin de chercher refuge dans les villages éloignés, au Guerno, à Péaule, à Noyal-Muzillac ou ils trouvèrent, dans leur détresse, aide et compassions. Que leurs hôtes charitables en soient à jamais remerciés. Honneur à eux !! Mais plusieurs ne s’étaient pas rendu compte du danger et demeurèrent chez eux, rassurés par la présence des chars alliés.
Hésitations des Américains
Cependant, les Américains hésitent toujours à s’engager à fond et ne mettent en ligne que quelques blindés sur la grosse quantité dont ils disposent. Ils se replient de nouveau alors que les Allemands se ressaisissent, repassent en grand nombre le pont de La Roche-Bernard qu’il eut été si facile de leur enlever la veille…
Marzan comptait déjà cinq victimes, les quatre jeunes de la veille à Kergalin, Pierre LE NORMAND, père de famille, Elise ROBERT, 18 ans, Alexis KERROUAULT, 18 ans, Joseph ANÉZO 27 ans et Dominique HOREL, un autre père de famille, lâchement abattu le matin du samedi 5 août au Herlo, à mi-chemin entre Péaule et Questembert. Durant toute cette journée du 7 août, les Allemands font irruption dans les villages et les fermes où ils ont libre accès. Ils sont excités, pleins de fureur (certain les ont vus avec la bave à la bouche). Ils vont être féroces, là surtout où ont stationné les troupes américaines dans leur avance.
François et Thérèse MITAILLE, horrible destin
Deux jeunes gens, François MITAILLÉ et sa sœur Thérèse ont voulu retourner à leur village de Penhap dans l’après-midi du 7 août pour voir ce que devenaient leurs animaux abandonnés à la ferme. Ils partirent ensemble, lui père de deux enfants et elle, jeune fille de 18 ans mais ne revinrent pas. Qu’était-il advenu ? Leur famille passa 5 semaines à se le demander, 5 semaines remplies de la plus noire désolation car dans l’incertitude l’imagination meurtrie et exaspérée se jette dans mille suppositions toutes plus atroces les unes que les autres. Le 16 septembre seulement, le père de François et Thérèse, sur la fois de vagues bruits et mû par de sinistre pressentiments, trouva, au bord de la Vilaine, et en face des lignes allemandes de Nivillac, ses deux chers disparus enfouis ensemble, fraternellement unis jusqu’à dans la mort. Puissance et mystère de l’amour : le père Mitaillé se levant à deux heures du matin, sans raison apparente, venant fouiller la butte du pont, dans la nuit blafarde et tombant enfin sur « son » François et « sa » Thérèse, réduits à l’état de squelettes, le crâne visiblement défoncé et percé d’une balle. Quel fut le supplice de ce frère et de cette sœur, l’un et l’autre de noble qualité et de tendresse mutuelle ?
Les dernières pensées furent pour des parents, des frères et des sœurs aimés, une épouse chérie, des enfants regrettés. On peut s’imaginer la candide jeune fille entre les mains de brutes sadiques et enragées, ivres de tortures et de sang. Ce drame restera sans doute à jamais secret de Dieu, la mise en bière et le transport des corps durent s’effectuer dans le champ de vision des guetteurs Allemands de la « poche ». Le dimanche 7 septembre, on fit aux deux martyres des funérailles magnifiques. Une garde de 20 soldats et un lieutenant rendaient les honneurs et les cercueils disparaissaient sous les fleurs, une centaine de gerbes. François et
Thérèse reposent maintenant en terre bénite à l’ombre de la Croix…
Jean PEZIER
A d’autres, les Allemands, s’ils ne les ont pas exécutés, ont fait endurer mille misères. Témoin cet étudiant en médecine, Jean PEZIER, que les ennemis surprenaient le 7 août au matin, près de la maison de ses parents sur la butte du fort, un terroriste bien sûr. Ils l’emmenèrent les bras en l’air dans plusieurs petits postes ou il reçut une trentaine de coups de bottes, le conduisirent jusqu’à La Roche Bernard et le ramenèrent enfin dans un des blockhaus du pont. Là il resta toute la journée assis sur un tas de pierres, réduit à manger (quand on a faim) la pitance du chien. On eut la délicate attention de lui annoncer qu’il serait fusillé le lendemain matin… A 22h30, un officier (qui ne savait pas un mot de notre langue la journée) lui dit, en excellent français, « Vous êtes libre ! ». Comme l’ami Jean ne réalisait pas assez vite un coup de botte lui aida à comprendre. Il rallia Nivillac, (Marzan lui était interdit) il partit lors de la trêve d’octobre. Les parents sont restés cinq semaines sans nouvelle aucune. Le beau geste du Dr CORNUDET, alors Maire de la Roche, qui averti par la rumeur publique, s’en fut trouver le commandement Allemand pour implorer sa grâce.
Maisons dévastées
Témoin, aussi toute la famille ROUSSEL de Kerjulien père et mère, fils et fille, qui après l’incendie de leur maison essuyèrent toutes sortes d’avaries. Les Allemands, pendant cette première quinzaine d’août n’ont brûlé criminellement que 2 maisons, 3 meules de grains et d’autres céréales en tas dans les champs, là ou tombaient quelques uns des leurs sous les rafales américaines, mais ils ont pillé et saccagé tout l’intérieur des logements du secteur envahi. Il faut compter 40 à 50 de ces maisons mises à sac et retrouvées ensuite dans un état lamentablement hideux : meubles renversés, brisés, linge enlevé ou déchiré et piétiné. Deux maisons du bourg seulement ont été visitées par eux au dernier moment. Sans doute auraient-ils continué sans l’accident du pont survenu, au matin du 15 août les formations américaines laissées l’arme au pied, quelque part en retrait, étaient parties en direction de Paris. Marzan restait cette fois grande ouvert aux entreprises ennemies, à leurs exactions et atrocités…
Le 2 et 3 septembre pas de faits de guerre nouveaux. La troupe fut assez agitée pendant la journée du dimanche 3, une détente marquée par des chants et des ….. de soldats en goguette. Des coups de feu éclataient un peu partout aux diables, tirés par les sentinelles aux carrefours par manière d’amusement ou la guerre n’avait plus rien à voir.
Après la grand-messe une ….. fut donnée pour le repos de l’âme de Louis ?. Au chœur, ses camarades tenaient le drap mortuaire. L’un d’eux avait le drapeau des anciens combattants, le lieutenant COSSÉ représentait le corps des officiers.
Les 4 et 5 septembre, sous la conduite du lieutenant LE BOURGVELLEC (dit Charlot) un groupe franc passait La Vilaine pour un coup de main. Ils avaient construit un radeau et découvert une barque dans les environs. Le but était de surprendre un poste Allemand armé d’une mitrailleuse et situé à la ferme du haut verger en Nivillac. Le passage de La Vilaine s’effectua à l’heure de la pleine mer vers 6 heures. Tout allait bien quand un jeune soldat poussa un cri intempestif qui donna l’éveil dans le camp ennemi. La mitrailleuse entra aussitôt en action, le lieutenant fut blessé ainsi que l’un de ses hommes. Deux ne rentrèrent pas qu’on supposa s’être sauvés dans une autre direction. Peu s’en fallu que 18 Allemands ne fussent pris. Un simple incident fit manquer l’effet de surprise.
Le 18 septembre les avions américains patrouillaient depuis quelques jours au dessus de la zone occupée par les Allemands et recueillaient les renseignements préliminaires à des opérations en gestation. Les abords de La Vilaine dans les parages du château et de Kerjean étaient particulièrement explorés par des officiers d’état major alliés. Jusqu’au 25 septembre, aucun fait bien saillant. Ce jour était celui qui avait été choisi pour rendre à tous nos morts les honneurs qu’ils n’avaient pas encore reçus. Monseigneur LE BELLEC, touché de nos malheurs, tenant à donner à nos martyres un digne hommage et à montrer aux familles éprouvées une marque de sa haute sympathie, vient accompagner de Monsieur MOISAN présider le service solennel. A la demande de Monsieur Le Recteur d’Arzal fut adjoint dans cette pieuse commémoration, ses deux paroissiens André BOUILLARD 17 ans élève au juvénat de Langonnet et
Ambroise ROUSSE, l’un et l’autre tombés dans les journées tragiques d’août. En aucune circonstance, on n’avait vu l’église aussi remplie. Les familles des morts occupaient le centre de l’église, les officiers et soldats de la Résistance étaient en avant du chœur et y assistaient aussi une vingtaine de prêtres des environs, dont Mr L’abbé LE THIEC, vicaire à Questembert, beau frère de Jules KERROUAULT, l’une des victimes qui célébrait l’office ayant pour diacre et sous diacre les abbés Albert CARTON et Ambroise RIO prêtres instituteurs à Arzal. La maîtrise de Marzan se trouvait renforcée par les enfants de Fescal que dirigeait Mr BERTHO aumônier. En chaire, Monsieur BELLEC retraça le calvaire de morts en terme extrêmement pathétique. Son langage émouvant mit toute l’assistance en pleurs. Pour chaque victime, il eut un mot spécial, dégageant le sens de son sacrifice. Sa parole si chaude, si compatissante, si sympathique, déversait la consolation, le réconfort et l’espoir dans les âmes douloureuses de ceux qui restaient. Il donna l’aboute. Les hommes ……. tenaient au chœur le drap mortuaire étendu pendant que l’un d’eux présentait le drapeau.
Mai 1945 : fin de la guerre…
Le soir du 9 mai 1945 sur la place, grandes réjouissances un feu de joie est allumé, les officiers lancent des fusées …. (aux Allemands) « Quand ils les ont fabriquées, dit le capitaine, ils ne devaient sans doute pas à quel usage elles serviraient ! ». Civils de tous âges et soldats ont mené des …….. enragés jusqu’à minuit. C’est la victoire, ce fameux ….. attendu depuis longtemps.
A La Roche Bernard où la population à souffert pendant 9 mois, le mercredi 9 mai restera inoubliable. L’ennemi est toujours là, mais plus de morgue, plus
d’arrogance. Le coq gaulois à terrassé l’aigle prussien. La foule envahit l’église, deux hommes montent au clocher hisser deux drapeau français (l’un des deux y restera deux semaines) et quand, mises en branle par des mains surexcitées les
cloches jettent leurs premières notes dans l’air attiédi tout le monde s’arrête une seconde. Le même frisson parcourt toute la cité. Puis c’est un carillon
désordonné formidable qui dure deux heures et demi. Ainsi, sur chaque rive de
La Vilaine, chez les « empochés » et les « libérés » c’est la même explosion d’enthousiasme. Et on peut voir alors, à l’endroit ou naguère gisaient les corps, de pauvres petits bouquets par des mains pieuses déposés et souvent arrosés de
larmes. Mais il convenait que sur la colline, le souvenir du sacrifice fut à jamais perpétué et concrétisé dans la pierre aussi le dimanche le 18 septembre 1945,
après les vêpres une foule nombreuse se rendait en procession sur le bord de La Vilaine, le chant du « Miserere » suivant la récitation du chapelet Monsieur l’abbé Breton rappela, eu un poignant discours les douloureux évènements,
exalta nos martyrs et leur rendit un vibrant hommage. Monsieur L’abbé Payen bénit ensuite une croix de pierre, simple comme tout ce qui est grand. Un chœur de jeunes gens et jeunes filles firent monter des prières ferventes vers celui qui figurera un jour victimes et bourreaux.
Et la brise de La Vilaine emporta les tragiques supplications du « libera ».
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